Le 30 mai 2013 j’ai été invitée pour parler de mes expériences en littérature numériques lors d’un cycle de rencontres organisé par Catherine Lenoble et Guénaël Boutouillet. Dans le cadre du cycle ils font ce qu’ils appellent la ‘redocumentation’. Quelle source de richesse : toute intervention est enregistrée sur vidéo, mais vous y retrouvez aussi le lien vers ma présentation même et quelques commentaires:
http://lirecrirenumerique.wordpress.com/2013/07/08/redocumentation-jeudi-30-mai-2013-troisieme-journee-du-cycle/
tout comme des interventions passionnantes par Olivier Ertszscheid et Laurent Neyssensas sur L’état des lieu du web citoyen et marchand et de Lionel Maurel sur les Copy-partys.
Afin de compléter ce bel article j’aimerais bien écrire quelques lignes sur l’expérience qui a suivie mon intervention. L’après-midi une quinzaine de femmes ont participé à un atelier d’écriture collaborative en utilisant l’outil libre et en ligne Etherpad.
Pas de règles, que des rôles
C’était une grande aventure, un grand saut dans la page blanche virtuelle où aucune règle s’était encore établie, où chacune venait avec un personnage et pouvait choisir d’en être l’auteur. Deux groupes travaillaient dans des pièces séparées et chacune travaillait sur un ordinateur séparé. Catherine Lenoble et moi-même nous étions accordées les rôles de médiatrices, et là aussi c’est intéressant de voir comment on les a exécutés.
Catherine a montré les possibles usages de l’Etherpad aux participantes qui ressentaient un certain malaise, voire une certaine agressivité dans le jeu: utiliser le chat, poser des questions, voir qui parle… Tout le monde écrivait en même temps, il fallait lire et réagir, ce qui n’était pas un processus d’écriture lent comme elles en ont l’habitude et dans lequel tout le monde ne partage pas les mêmes règles de politesse, ni le même vocabulaire ou sens d’humour.
Dans la pièce adjointe, par contre, je me suis lancée en tant que médiatrice dans l’espace virtuel, vue que toutes les participantes du groupe se sont mises à l’écriture rapidement. Intuitivement je me suis mise à trouver des liens entre les persona, de leur poser des questions, de réécrire une phrase qui était barrée et d’attendre une réaction, … A un moment donné je demande à quelqu’un si elle se considère un personnage dans un roman. Quand elle répond qu’elle ne le sait pas, je prends la décision pour elle : ‘alors tu l’es maintenant’. Après ces quelques mots le personnage n’a plus écrit, il s’est tu.
Le lendemain seulement je me suis rendue compte que je n’avait pas respecté le rôle de médiatrice. Avec un tel commentaire, je venais de prendre une position d’auteur qui construisait un récit avec une série de personnages qui vivaient leur vie. Et comme chaque auteur, j’étais impolie, non respectueuse, dictatoriale, brutale etc. L’expérience était excitante au moment même. Ce n’est que dans la discussion après que j’ai compris la violence de mes actes sans me rendre compte. Donc, du coup, j’offre mes excuses à toutes celles qui ont participé, mais aussi, j’aimerais bien expliciter que je ne regrette rien, qu’une contrainte pourrait être de s’inventer tous un personnage et de faire alterner le rôle d’auteur/écrivain qui entre en discussion avec ses personnages, qui du coup, répondent, se taisent, se révoltent !
La co-création des contraintes
L’idée étant de tester l’outil, il était clair que dans la discussion postérieure on serait spontanément arriver à créer des règles pour une session d’écriture suivante. Les règles seraient établies par le groupe même en fonction de ses besoins. Super!
Voici les quelques-unes qui en sont sorties ‘à part de celle déjà mentionnée plus haut):
* avoir une fin et forme de publication concrète (ailleurs)
* définir les fonctions du chat, de la page partagée, des noms et du point de vue: qui écrit, le personnage ou l’auteur?
* prévoir des moments de discussion dans le processus d’écriture
* se donner le temps de la relecture
* se limiter à la création d’une seule phrase: travailler au niveau du mot et non nécessairement écrire mille lignes
* explorer les notions d’auteur et de l’écrivain? L’auteur serait celui qui signe quelque chose qu’il a produit (musique, brouillons…) versus l’écrivain qui crée…
* se donner la confiance pour expérimenter avec des nouvelles règles d’étiquette, voir aussi l’étude: http://earlynerdspecial.wordpress.com/2012/01/19/book-review-the-breakup-2-0-by-ilana-gershon/
* trouver des solutions créatives aux relations de pouvoir qui s’installent
Pour conclure cette expérience: il était évident pour tout le monde qu’il faut quelques contraintes précises, mais celles qui en sont sorties, ni Catherine ni moi aurions pu les inventer nous-mêmes. Voilà une des beautés de l’écriture collaborative!
Merci à toutes les participantes, à Guénaël et Catherine.
[…] Lire aussi les "repensées" de An Mertens sur son blog adashboard (for fiction). […]
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